Se pose ici le problème du moyen par lequel on peut profiter de quelque chose de positif. Il est spontané de penser que ne pas disposer de la vue empêche toute possibilité de tirer avantage de la découverte du désert. En effet, les paysages sont magnifiques et, en tant que voyants, nous pensons que ne pas les voir gâcherait le voyage. Cependant, et ceci a été mis en relief dans les témoignages, chez les non-voyants les autres sens sont en alerte. N’y aurait-il dans le désert que la vue du sable qui serait grisante ? La réponse est bien évidemment non : la chaleur, le vent, la sensation du sable sur la peau, la nourriture berbère (et son fameux « pain des sables »), les formes des dunes, les glissades dans le sable, mais aussi le silence, l’absence d’obstacle, le sentiment de liberté et de plénitude représentent beaucoup.
Est-ce en adéquation avec les besoins des personnes non-voyantes ou malvoyantes ?Si notre projet peut paraître au premier abord quelque peu surprenant, il répond néanmoins à un besoin réel. La première idée serait en effet que les malvoyants auraient plutôt besoin d’une aide quotidienne, puisqu’il existe certaines difficultés à évoluer dans une société qui n’est pas adaptée à leur handicap. Cependant, il faut savoir que, selon l’étude HID de 2005, en France, « 48 % des déficients visuels âgés de 20 ans ou plus et vivant en domicile ordinaire sont régulièrement aidés à accomplir certaines tâches de la vie quotidienne. Dans la moitié des cas, cette aide est dispensée exclusivement par un ou plusieurs membres de leur entourage. » De ce fait, il est compréhensible que les aveugles puissent ressentir un sentiment de dépendance vis-à-vis de cette aide qu’ils reçoivent au quotidien.
Ce projet est donc un moyen d’élargir leur horizon en rencontrant d’autres personnes présentant le même handicap mais vivant dans un contexte totalement différent et ayant appris à vivre différemment avec lui.
De plus, étant donné le taux plus élevé de personnes non-voyantes présentant une certaine détresse psychologique, il est naturel de penser qu’elles ont plus besoin que d’autres de s’investir dans des activités de tous types. Cette randonnée est donc l’occasion de s’aérer l’esprit, s’oxygéner, se changer les idées, se libérer des contraintes quotidiennes et reprendre confiance en soi.
Par ailleurs, l’accès aux loisirs pour les handicapés sensoriels est limité, et sûrement plus encore pour les tunisiens que pour les français. Ainsi, ce raid est l’occasion de vivre, ensemble, une expérience hors du commun, et de rapprocher et souder encore plus le groupe de marcheurs.
Ce type de randonnée est difficile à mettre en place, et ceci pour plusieurs raisons :
De plus, peu d’organisateurs de raid acceptent de prendre la responsabilité d’un groupe de randonneurs handicapés.
Voici, avec son accord, le compte-rendu d’une conversation téléphonique ayant eu lieu avec Marc Veynier, un non-voyant toulousain qui a pu partir avec un groupe de méharistes dans le désert.